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 Recueil des histoires de Keenlhin. [-15]

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Nausicaa



Cancer Messages : 26
Date d'inscription : 21/11/2013
Humeur : Appelez moi Kyuchi 8)

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MessageSujet: Recueil des histoires de Keenlhin. [-15]   Recueil des histoires de Keenlhin. [-15] EmptyMer 25 Déc 2013 - 0:13

Bonjour !
C'est en ce réveillon de Noël que je viens vous présenter mon petit projet d'écriture. Cela fait quelques mois que je souhaite le partager et me voilà devant vous pour le lancer.
Je ne savais pas vraiment où classer mon projet. En fait, depuis maintenant 4-5 ans, j'ai créé un monde et des personnages dans ma tête. Ils ont mûri et grandi et pourtant, rien ne me convient vraiment. J'ai l'impression de devoir travailler mon écriture et mon style, sans pour autant me sentir prête à écrire mon histoire. Ces derniers temps, une idée m'est venue en tête.
C'est bien de la Fantasy que j'écris. Or, j'ai besoin d'un minimum de murs, de règles pour évoluer. Et si je crée mon monde par des histoires, les histoires d'avant, celles qui ont forgé mon monde et le présenterais aux yeux de tous ? Ainsi réfléchis-je à celles-ci.
Ainsi me présenté-je devant vous aujourd'hui. Ce topic organisera toutes les histoires, les regroupera. Vous trouverez divers styles, toujours en prose : à ce jour, je pense surtout faire du récit, avec peut-être quelques drabbles.
C'est un peu fouillis, je comprends; et si vous avez la moindre question, n’hésitez pas, je vous répondrais. A ce jour, je retravaille le début de la première histoire, qui apparaîtra sûrement courant demain ou après-demain, mais je peux déjà l'inclure dans la liste. Je vais également vous présenter un petit résumé de la chose qui, je l'espère, vous plaira. Et soyez prompts à la critique !

Bon, en espérant ne pas vous avoir trop assommés, place aux hostilités ! :)


Citation :
Le livre était posé là. Offert comme cadeau d'anniversaire à une princesse qui passait le cap de la majorité, il s'était dans son regard rapidement confondu à la table de noyer et elle l'avait oublié. Il fallait, à sa décharge, avouer que l'objet avait perdu la vigueur de sa jeunesse et revêtait désormais un habit bien trop miteux. Sa couverture en cuir autrefois rouge laissait apparaître les reliefs d'arabesques argentées, aujourd'hui écaillées emportées par le temps et l'usure. Manipuler le livre demandait une certaine concentration, les pages jaunies se détachant aussi facilement que les feuilles automnales. Aux yeux de tous, cet ouvrage ne présentait plus aucun intérêt,
Les mages du royaume ne s'en occupaient plus et les rois ne puisaient plus leur soif d'héroïsme dans son encre noire. Les enfants ne posaient plus dessus leurs yeux admiratifs et les vieilles femmes ne l'empruntaient plus pour lire leurs histoires épiques. Sa seule compagnie était dorénavant le traître temps, qui amenait lentement l'ouvrage agonisant à l'oubli, sa terrible mort.
Un jour peut-être reprendrait-il sa place. Il voyait toujours défiler et les épopées de tous les héros de Keenlhin, et les légendes de nombreux dieux, et les contes des peuples, mais à travers ses copies. Unique le temps de deux générations humaines mais très vite copié et relié aux cinq nouveaux exemplaires : chaque mot écrit dans l'un des livres était transmis aux cinq autres. Le simple rôle de conteur n'était plus de mise et il tenta de se reconvertir en messager. Il n'y survit pas. Un jour peut-être reprendrait-il sa place.
Un jour peut-être, quelqu'un poserait sa main sur la couverture, l'ouvrirait avec délicatesse et choisirait l'une des nombreuses histoires. Alors reverrait-il la beauté du monde et la fierté de ceux qui le créèrent.


Les histoires :


    1) La légende d'Eluystr et Londe (page 1 à...)
    « Qu'Eluystr vous ait semblé être un dragon amorphe, soit. Gras, paresseux, ralenti, soit. N'oubliez cependant pas qu'il reste un dragon.»

      --> Thème musical d'Eluystr : Audiomachine - Land of Shadows
      --> Thème musical de Londe : Thomas Bergersen - Nero




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« Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n'aime pas toujours qu'on me donne des leçons. » Winston Churchill


Dernière édition par Nausicaa le Jeu 30 Jan 2014 - 22:21, édité 4 fois
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Lullaby



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MessageSujet: Re: Recueil des histoires de Keenlhin. [-15]   Recueil des histoires de Keenlhin. [-15] EmptyJeu 26 Déc 2013 - 14:26

c'est un synopsis de la première histoire que tu nous à mis c'est ça ? Sinon j'aime l'idée de ton projet. en fait j'ai eu la même idée pour créer un univers de fantasy . Mais moi j'ai décidé de ne rien posté. Plus tard peut-être. En tout cas bonne chance pour la suite ^^.

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Lullaby, la [fonction au choix : proxénète, mendiante, distributrice de biscuits périmés, apprentie chimiste, etc] aux multiples talents !

Et ici ma chaîne Youtube spéciale EN!
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Nausicaa



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MessageSujet: Re: Recueil des histoires de Keenlhin. [-15]   Recueil des histoires de Keenlhin. [-15] EmptyMar 31 Déc 2013 - 17:50

Hej ! :D
Voici donc mon premier texte sur ce forum *applause*. Je vous présente donc Eluystr et Londe, nos deux grands amis pour un petit moment ^^.
Bonne lecture à vous, bon courage ^^" Et soyez prompts à la critique, parce qu'il y a sûrement beaucoup de choses à redire.

La légende d'Eluystr
et Londe


« Il n'est pas prudent d'écarter de ses calculs un dragon vivant, quand on est près de lui. » J.J.R. Tolkien



Les rêves d'un dragon étaient aussi impénétrables que son esprit, à la fois mystérieux et compliqués. Si seulement un simple être humain y avait accès, il aurait grand mal à les comprendre, et ils passaient eux-mêmes des journées entières à tenter de saisir une infime partie de leur sens. Ainsi un dragon aux yeux fermés et à la respiration lente méditait-il, et malheur à qui tenterait de le déranger durant ces instants sacrés.

Ou alors n'était-ce qu'un prétexte trouvé par Eluystr'Ref Hyurt Dernyl pour passer tranquillement ses journées à dormir sur la place de la capitale, sans qu'aucun bipède ne vînt lui demander de chasser les monstres en dehors des murs. C'était la technique la plus efficace qu'il avait trouvée et il en avait essayées. Il avait un jour tenté de crachoter du feu, ce qui lui avait valu un mouton carbonisé comme repas; il avait également entrepris de pousser son hurlement le plus puissant et provoqua pour seule réaction des bipèdes un seau d'eau glacée et sale; ou encore essaya-t-il de montrer les crocs, mais un enfant lui avait aimablement fait remarquer que son haleine n'était pas des plus saines. La nouvelle méthode s'avérait beaucoup plus efficace.

Le dragon poussa un grognement de satisfaction. Son rêve était doux, empli de dragonnelles aux magnifiques écailles bleues et aux corps fluides, dont les mouvements lui offraient la sensation d'une balade en mer. L'iode de la mer lui emplissait les narines et l'eau salée ravivait son palet. Il se laissait emporter et profitait du doux son des remouds comme celui d'un hennissement strident.

Tiré de son agréable sommeil, il tendit l'oreille aux bruits environnants. L'odeur de l'océan était bien là, mais la chaleur harassante du soleil indiqua à Eluystr qu'il était bien dans le monde réel et qu'on était en plein après-midi, heure à laquelle la ville battait son plein. Des hennissements, il en entendait beaucoup, perdus au milieu des braillements des enfants et des cris des marchands, et être réveillé par l'un d'entre eux l'énerva particulièrement. Ainsi se remit-il à l'aise, secouant un peu sa longue queue, arrangeant ses antérieurs, prêt à enchaîner sur un nouveau sommeil. Son corps entier se détendit et il chassa son agacement; et déjà avait-il commencé à revoir les dragonnelles bleues qu'un choc se produisit.

Danger. Eluystr réagit instinctivement, sans comprendre ce qu'il se passait : la survie passait par la vitesse et le réflexe. Il balança brutalement sa tête vers ses flancs que l'intrus avait percutés. Il était terrassé par l'insupportable chaleur du soleil, énervé par les appels humains environnants et le chahut de la ville, exaspéré d'avoir été tiré de son doux rêve, fatigué de ne rien faire de ses journées, pressé de retourner dans son sommeil. Il mettait tous ces sentiments au travers de cette action et ferait payer celui qui le dérangeait.

Comment le yearling s'en sortit-il ? Lui-même n'en eut pas la moindre idée. Il était terrifié, ne s'attendant pas dans sa grande naïveté à une telle réaction de la part du dragon. Il se ramassa sur ses longues jambes et se releva, les yeux rivés sur cette mâchoire pleine de dents. Il fit un bond de côté pour éviter la première morsure, et fila droit vers les hommes qui accouraient vers eux et braillaient. Le claquement de ses sabots mit fin à l'échange mouvementé.
Les dents du dragon se refermèrent une seconde fois sur du vide. Celui-ci, légèrement frustré d'avoir manqué sa cible, n'insista pas plus en voyant les deux humains et se redressa sur ses pattes, prêt à subir des remontrances - dont il n'avait rien à faire, soyons francs, puisqu'il lui suffirait d'un battement d'ailes pour écourter la conversation. Il fallait cependant rester là quelques minutes, pour la forme.

Se lever s'avéra plus compliqué que prévu. Puisqu'Eluystr devait observer un minimum de tenue, les longues années de paresse lui pesèrent lourds dans les jambes et dans le ventre. Plus de graisse, pour moins de muscles : il manqua même deux fois de retomber. Mais il tint bon et jeta un regard hautain à tous ceux qui l'entouraient, les obligeant à pâlir et baisser les yeux.

Avoir des yeux perchés à sept mètres aidaient beaucoup.

Eluystr étudia les deux humains qui approchaient. Le premier était un visage connu et familier au dragon, l'un de ceux qui dirigeaient la politique de la ville; à la fois ferme et colérique, ses traits bruns n'arboraient aucune expression quand ses yeux verts brillaient d'indignation. Son pas était rapide, décidé et quelque peu précipité, laissant à la traîne l'autre humain essoufflé et beaucoup moins antipathique, moins agressif. L'animal apeuré ignora totalement le premier et se dirigea droit vers le second, enfouissant sa tête contre sa poitrine. L'homme s'arrêta et tenta de le rassurer.

C'est alors qu'Eluystr vit alors un détail qui, dans la précipitation, lui avait échappé. C'eut le don de l'intriguer, d'animer cette petite flamme de curiosité au fond de lui, celle qui n'avait plus brillé depuis un temps. Il avait croisé nombre d'équidés dans sa vie et en avait même faits de certains son repas, mais pour autant qu'il s'en souvienne, aucun n'avait d'ailes. Et pourtant, repliées de chaque côté de son corps et arborant de magnifiques plumes brunes et soyeuses, comme sa robe, elles étaient bien là. Si le dragon n'avait pas vu le cheval les bouger quelques instants plus tôt, s'il n'avait pas encore l'odeur de sa peur dans les narines, il aurait cru à un rêve.

Dont il fut tiré par la voix tonitruante de l'humain :

« Vous rendez-vous compte de ce que vous alliez faire ? »

Il ne semblait apparemment pas perturbé par la taille du dragon, située entre six et huit mètres. Eluystr détourna le regard et le fixa de ses yeux jaunes. Pour l'humain, c'était une nouvelle expérience : il y vit la beauté du plus terrible des prédateurs, celui qui ne craignait rien ni personne, et la dignitié des dragons; il y vit la lassitude et le désintérêt, comme un ancien qui sermonnait un enfant. Il échappa au contact, évita de plonger son propre regard dans celui de la créature, qui baissa alors la tête à son niveau. Surpris, le bipède fit un bond en arrière en se protégeant de son bras gauche.
Le dragon l'impressionnait quand même. Tant mieux.

Eluystr décida de continuer la joute silencieuse en cherchant le contact des regards. Que l'humain détourne les yeux, et le dragon pourrait l'âme tranquille écourter cette brève entrevue. Qu'avait-il pourtant appris des politiciens de cette ville ? Qu'ils étaient fiers. Très fiers. Des fois même orgueilleux. Et perdre un tel combat en public les anéantiraient à jamais. Effectivement, les artisans qui travaillaient dans ce quartier s'étaient, pour la plupart, arrêtés de travailler pour voir enfin Eluystr bouger. Et l'homme l'avait remarqué.

Ainsi, les pupilles vertes ne se détournèrent-elles pas. Ainsi se tinrent l'homme et le dragon l'un devant l'autre, rivalisant d'arrogance.


« Je sais parfaitement que vous m'avez entendu et que vous êtes capable de me répondre, veux lézard, » s'emporta-t-il.

Le regard du dragon se durcit. Oui il comprenait. Non il n'appréciait pas spécialement qu'on l'insulte de lézard. Susceptible ? Pas du tout. Il ne se sentait même pas concerné. Il était quand même beaucoup plus grand et imposant que ces petits reptiles. Et il avait le sang chaud, lui.

Et la parole.

Les dragons ne possédaient pas de cordes vocales, ce qui ne les empêchaient pas de s'exprimer avec des mots. Plutôt que d'articuler des sons, ils partageaient leurs pensées par moyens télépathiques. Rares étaient les créatures qui recevaient les messages, encore plus rares étaient celles qui pouvaient y répondre. En général, les espèces qui en étaient capables étaient plus ou moins liées aux forces de la magie, telles les humains et les dragons, mais pas les lézards.
Eluystr n'avait aucun pouvoir magique et le vivait très bien.


« Il ne vous répondra pas, Ferolais, intervint l'autre humain, ayant réussi à se rapprocher.

- Je n'en ai rien à faire. De ma vie, je n'ai jamais vu ce dragon être utile, et il décide de se faire un festin avec MON pégase ! »

Le cheval ailé regarda le dragon et prit à nouveau peur, enfouissant un peu plus sa tête contre la poitrine de celui qui avait pris la défense de l'imposante créature. Eluystr l'aimait bien lui. Il allait même lui donner raison : il venait de décréter que cette conversation était finie.

Le dragon jeta un dernier regard aux trois compagnons et se dirigea droit vers la sortie de la ville. C'était assez compliqué de conserver un semblant de dignité quand un ventre alourdi de graisse se promenait de droite et gauche et manquait de vous renverser.

« Tenez mieux votre chien en laisse, la prochaine fois, » lança Eluystr.

Du coin de l'œil, il nota que le politicien se renfrogna et que le cheval dressa les oreilles, il en fit cependant fi et partit, après avoir slalomé entre les hautes maisons blanches.

L'océan s'était retiré un millénaire plus tôt et avait laissé derrière lui une plaine riche et prospère, qui attirait nombre d'êtres vivants de toutes sortes. Puis vint Eluystr, qui s'installa sur le Dernier Plateau, une plateforme pas très large dont les bords, hormis celui opposé à l'océan, étaient des falaises abruptes. La Nise se jetait dans la mer à cet endroit là; et le recul soudain du niveau de l'eau l'avait divisée en trois, et le bras du milieu se divisait lui-même en deux pour contourner le Dernier Plateau et finir sa route dans la baie de Lenne. Vinrent les hommes, qui dominèrent ces terres et profitèrent de ses richesses pour évoluer. L'élite s'établit sur le Dernier Plateau; le dragon descendit auprès des artisans sur le flanc Ouest de la rivière; et des habitats de terre blanche poussèrent le long de rues symétriques et s'animèrent de vie. Ils avaient nommé les différents canaux naturels : le plus à l'Ouest était la « douce Nise », celles au centre se nommaient la petite et la grande « Nise royales », et plus à l'Est, on trouvait la « calme Nise ». Le fleuve débordait régulièrement, laissant le loisir aux pêcheurs et aux plus pauvres de vivre sur ses bords, mais il offrit à ce peuple la richesse et le confort. Les « bêtes sauvages » furent chassées, comme convenu, et on ne demanda plus rien au premier habitant des lieux.

Trois générations étaient passées et les jeunes humains ne se souvenaient plus. Et le dragon dormit.

Eluystr franchit d'un bon aisé la douce Nise, quittant ainsi la bruyante ville, et profita du vent pour planer. Il fatigua rapidement et dut précipitamment se poser quand les premiers arbres furent passés. Son atterrissage n'eut rien de contrôlé - et le dragon finit de manière pitoyable la tête la première dans le sol. Le goût désagréable de la terre dans sa bouche le dégouta. Lentement et chancelant, Eluystr se releva. Non loin de lui, un lièvre l'observait, immobile et silencieux, les yeux étincelants de peur et d'admiration. Plutôt que de se couvrir de ridicule une fois encore en tentant de l'attraper, il grogna fort. Très fort. L'animal décampa sans demander son reste et réjouit le prédateur.

Le dragon était venu dans un but précis et, une fois soulagé, il décida de se dégourdir les jambes et, surtout, que ce n'était pas la peine de retourner chez les humains. Il n'avait pas envie de se prendre à nouveau la tête, mais, étant déjà fatigué de se promener, il rentra.

En retournant vers la ville, Eluystr se retrouva sur la longue route devant les portes de celle-ci. Ne fit-il que quelques pas qu'il entendit un sourd grondement derrière lui. Cela ressemblait à s'y méprendre aux claquements lourds de chevaux lancés dans un galop fou. Il se poussa du chemin et continua sa route, écoutant d'une oreille attentive le groupe se rapprocher. Au tonnerre des sabots s'ajouta le beuglement des hommes, et ceux si rapprochaient immédiatement. Le dragon tourna la tête et vit alors apparaître un groupe d'une dizaine de cavaliers, les uns tenant une bannière, les autres leurs expressions belliqueuses. Leurs chevaux mêmes étaient beaux, tous l'encolure arquée et le poitrail bombé, aux allures poussées et fortes. Quelque chose le dérangea : cette troupe n'avait rien d'amical. Au contraire, une certaine animosité émanait d'elle, comme si ils voulaient qu'on sache qu'ils n'étaient pas très satisfaits - de quoi, allez savoir. L'homme était une espèce tellement imprévisible.

Le groupe, à l'approche du dragon, ralentit les chevaux et s'arrêta. Ils prirent tous peur et sortirent leurs longues lames, prêts à combattre. Eluystr réagit d'emblée aussi : il se campa sur ses pattes et se prépara à cracher des flammes. Pour ce faire, il exerçait une légère pression sur un organe, un sac contenant des gaz capables de s'enflammer au contact de l'air. Au moindre écart, ne fut-ce que des chevaux, et le dragon embrasait leurs traits aussi durs que du bois sec.
Le seul qui n'avait bougé était celui qui s'imposait comme le chef de toute cette petite bande. Il paraissait même curieux et s'approcha au pas du dragon, voulant être sûr que celui-ci l'entende :

« Un dragon ? La reine Selve est une femme pleine de surprises, à ce que je vois.

- Ne vous y méprenez pas, répondit Eluystr, j'étais là bien avant elle. Baissez vos armes.

- Ne pensez pas que vous nous effrayez, noble dragon, mais nous avons quelques difficultés à vous faire confiance. Vous créeriez, de surcroît, un incident diplomatique.

- Je n'en ai cure de la diplomatie humaine, je lui survivrai, vous savez. Ne me poussez pas à bout. »

L'homme l'examina. De bas en haut, de haut en bas. Il éclata d'un rire tellement moqueur qu'Eluystr fut ébranlé jusqu'au plus profond de son être. Il se sentit honteux. Honteux et ridicule. Il ne fallut en effet pas longtemps pour qu'il comprenne la cause de son hilarité : cet homme avait déjà vu un dragon. Il avait de quoi comparer, et ce n'était pas à son avantage.

Eluystr était petit, si toutefois l'on se référait aux critères de son espèce : quand la taille moyenne des individus de son espèce était de sept à huit mètres au garrot, lui n'en faisait que cinq. Il était plutôt long, une silhouette taillée pour la course et la vitesse mais masquée par une musculature fondue et remplacée par la graisse de la mollesse. En outre, son armure brune d'écailles, qui n'était déjà pas très jolie, comportait bon nombre de défauts : elle était, de ci de là, ébréchée, abîmée, ternie. Depuis bien longtemps il ne s'en était pas occupées. Un chevalier téméraire n'aurait aucun problème à abattre la créature tant sa protection était minable.

Et l'homme rit de plus belle, devant le spectacle d'un dragon qui avait vécu cet âge horrible et critique de sa longue vie. Se rendit-il compte de ce qu'il crée ? Non, mais ça ne l'empêcha pas de clamer à son auditoire hilare ce qu'ils souhaitaient tous entendre :

« Vous êtes bien à l'image de cette ville, vieux serpent : autrefois digne, toujours fier mais décrédibilisé. »

Et, tandis que les autres riaient de la faiblesse d'un plus fort, d'une chose qu'ils craignaient, le chef ajouta d'un ton plus confident :

« Vous étiez pourtant son dernier rempart. Si vous ne souhaitez tomber misérablement pour ceux qui vous méprisent, je vous conseillerais de fuir. Au plaisir de vous revoir, Eluystr'Ref Hyurt Dernyl. »

Emporté dans sa provocation, l'homme s'inclina. Sans ajouter un mot, il remit sa compagnie en route, délaissant Eluystr qui les regardait. Silencieux.

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