Bonjour à tous
C'est bien l'amie Cornouille à l'appareil, qui en a un peu marre de voir plein de super histoires -surtout dans les moments angoissants/gores etc - tomber à plat à cause du style... bah, plat.
Alors aujourd'hui, j'ai décidé de vous exposer une méthode rapide pour vraiment investir l'action que vous voulez décrire dans la phrase qui la décrit. (euh, vous suivez ?)
C'est un peu Flaubert dans ses descriptions - donner la forme de l'objet à la phrase qui le décrit -, mais adapté aux scènes d'action, si vous voulez.
I. L'ACTIONDonc ! Je vais prendre un exemple, l'une de mes phrases qui s'y prête bien ; et vous exposer point par point le travail accompli.
(notez que je ne me considère absolument pas comme un modèle hein, je partage juste cette astuce. ^^)
Voici la phrase de base.
- Citation :
- Il le projette au sol.
On va essayer de rendre l'action plus... prégnante. Tout d'abord, premier point :
→ Comment, de quelle manière ?Les adjectifs/compléments de manière donnent du corps, de la consistance aux textes, et pas seulement aux descriptions !
Donc, afin de les trouver - s'ils ne vous viennent pas en tête directement -,
imaginez-vous la scène, le moindre détail. ça y est, vous la voyez ?
Tests :
- Citation :
- Il le projette violemment au sol.
Il le projette au sol avec violence.
Il le projette au sol d'un geste puissant.
D'un geste puissant, il le projette au sol.
Voilàààààà.
→ Question de rythme.Regardez bien les deux dernières, elles sont intéressantes. Relisez-les, imaginez la scène. Vous notez la subtile différence ?
La seconde fait naître une impression de scène plus lente : on a l'impression qu'il prend son élan, et qu'il le projette au sol. La première au contraire, donne une impression de rapidité, d'inattendu. Pof ! Il le balance par terre d'un coup.
→ Je choisis de conserver la première, ça correspond plus à ce que je veux exprimer ici.
- Citation :
- Il le projette au sol d'un geste puissant.
Seulement voilà, je veux encore jouer sur cet effet de rythme. Je voudrais une action vraiment fulgurante. Je vais donc encore imaginer la scène, l'analyser,
comme si je voyais par les yeux de mon personnage (celui qui regarde cette scène à distance).
Et là, PAF ! Je comprends soudain. Pour donner cet effet de rapidité presque invisible, il faut inverser la chronologie de l'action !

Je m'explique.
Mon personnage va voir en premier la victime s'effondrer. Ce n'est qu'après qu'il va se rendre compte que l'agresseur l'a en fait balancé au sol !
- Citation :
- Il tombe. Son agresseur l'a projeté au sol d'un geste puissant.
Boarf, la première phrase est un peu nulle, là - même carrément. Même opération : comment, de quelle manière ? → Il va falloir insuffler plus de violence, de brutalité dans cette chute.
Tests
- Citation :
- Il chute au sol. Le soldat l'y a projeté d'un geste puissant.
Il s'écroule au sol. Le soldat l'y a projeté d'un geste puissant.
Il s'écrase au sol. Le soldat l'y a projeté d'un geste puissant.
Je choisis de conserver la troisième. (Notez que j'ai la possibilité d'ajouter "Il s'écrase
violemment au sol" par exemple, mais bon, perso j'estime que ça suffit comme ça ^^)
Il manque encore une petit quelque chose...
→ L'atmosphère : les sons, les odeurs, les sensations.Un point particulièrement important ! Hélas, on se rend compte que peu d'écrivains amateurs - hé, c'est pas une insulte hein ! Vous préférez que je dise Nocturniens ? - y font attention. Or, rien de mieux pour donner une vraie réalité à une scène, que de savoir ce que ça sent, le bruit que ça fait, ou ce qu'on ressent.
Réfléchir au lieu où l'action se passe, aux personnages, à la scène elle-même. Imaginer ! Ici, la bagarre a lieu dans un conduit métallique et grillagé ; cela sent la bête, la peur, la colère, le fer et le sang. Pour cette scène d'action, le plus logique serait d'indiquer les bruits, pas les odeurs.
- Citation :
- Il s'écrase au sol dans un fracas métallique.
Il s'écrase au sol et le métal hurle sous son poids.
Beaucoup mieux !
Mais attention, ici nous avons un dilemme... cornélien
La première est plus terre à terre, et les
sonorités (assonance en
a et allitérations en
k et en
r avec notamment
écrase et
fracas) rappellent effectivement le crissement du métal, ce qui est un plus indéniable (quand vous pouvez, pensez au jeu sur les sonorités pour donner aux mots le son que vous décrivez, c'est génial !

)
La deuxième est plus littéraire, avec la personnification du métal, qui "hurle", exprimant ainsi une douleur qui peut être rapprochée de celle que doit éprouver la victime - le pauvre bougre qui se fait casser la figure depuis tout à l'heure )
Là, c'est votre avis personnel qui importe ; et aussi,
faites attention aux répétitions : si les mêmes mots se trouvent un peu plus haut dans votre texte, ne les répétez pas, variez !

C'est pour cela que finalement je choisis la deuxième, étant donné que plus haut j'ai déjà utilisé les mots "fracas" et "métallique".
Bilan :
- Citation :
- Il le projette au sol.
Il s'écrase au sol et le métal hurle sous son poids. Le soldat l'y a projeté d'un geste puissant.
C'est... beaucoup mieux

Voilà comment donner un vrai rythme, une vraie réalité à une action !

PS. Là j'ai détaillé au max, mais quand on est habitué, ces opérations successives prennent moins d'une minute, le temps de se poser les bonnes questions et d'y répondre ^^
II. LES DESCRIPTIONS
Astuce n°1Vos phrases produiront toujours beaucoup plus d'effet si vous échangez le sujet et le complément... Démonstration :
Phrases de base :
- Citation :
Elle prit un air agacé.
Il avait une voix colérique.
Cela puait, là-dedans ; une odeur putride et indéfinissable.
Ce sont des phrases simples, le genre de phrases qui vous viennent les premières à l'esprit lorsque vous écrivez.
Mais HOP ! D'un coup de baguette magique, vous pouvez changer ces phrases ordinaires en effets de style qui vous donneront trop la classe.
- Citation :
Elle prit un air agacé.
L'agacement luisait dans ses yeux.
Il avait une voix colérique.
La colère rugissait dans sa voix.
Cela puait, là-dedans ; une odeur putride et indéfinissable.
Une odeur putride et indéfinissable se rua sur eux, les faisant suffoquer.
Vous avez vu ce qui a changé ? Désormais,
c'est le complément (l'agacement, la colère, l'odeur) qui est placé en sujet ; c'est lui
qui fait l'action.
Cette astuce simple et rapide donne un caractère profond au texte, et de l'importance aux choses, qui en deviennent vivantes.
De plus elle vous permet de varier un peu vos verbes, de donner une richesse lexicale à votre texte.
Ainsi des verbes communs tels que "être", "prendre", "avoir", "faire" etc sont remplacés par des formules beaucoup plus originales.
Allez, quelques derniers exemples pour la route :
- Citation :
- Il gémit.
Un gémissement s'enfuit de ses lèvres.
Elle leva les yeux au ciel.
Ses yeux se levèrent au ciel.
Une dernière remarque : mettre le complément en sujet permet aussi de donner une impression de réflexe, de réaction imprévue,
comme si c'était non pas le personnage qui contrôlait ses actes, mais son corps qui se manifestait seul. Un effet sur lequel il peut être intéressant de jouer...
Astuces n°2→ le plus important pour les descriptions c'est de les rendre
réelles et riches , grâce au lexique et au tournures utilisées.
ATTENTION. EVITEZ,
EVITEZ,
EVITEZ sérieusement tous les trucs de base comme "petit", "grand", "effrayant" et etc. Le mieux afin d'éviter ces descriptions "plates comme un trottoir de rue" (comme dirait Flaubert le grand ), ce sont soit l'hyperréalisme - et là tournez-vous vers Ygg - soit les figures de style qui donnent à la description un ton beaucoup plus intéressant.
Mais attention, afin que le lecteur ne se perde pas dans de trop nombreux détails,
vous ne devez pas TOUT décrire. Ce serait inutile et une perte de temps. L'astuce, c'est de décrire uniquement le plus important, le plus intéressant ; ce qui met des étoiles dans les yeux du lecteur, ce qui attire l'attention du personnage, ce qui est cool à décrire. Laissez tomber le détail des vêtements que porte un personnage : on s'en fiche de savoir qu'il porte un short bleu en poils de lama et une cravate mauve en soie ! On veut juste savoir quelle tête il a, bord*l !
Exemple de
figures de style dans le cas d'une description : métaphores, personnifications, ou juste l'échange entre le sujet et le complément, comme nous l'avons vu dans le premier tuto sur l'action
- Citation :
- Phrase de base : Il vit un petit meuble dans un coin.
Personnification : Un petit meuble se blottissait dans un coin.
Echange sujet-complément : Un petit meuble attira son regard. (au lieu de "son regard fut attiré par un petit meuble")
Métaphore / comparaison : Il vit un petit meuble, qui lui parut aussi fragile qu'un bibelot de verre.
Description plus riche et détaillée : Il vit un petit meuble dans un coin. Son bois tendre avait été rongé par les insectes, des vrilles végétales y étaient sculptées. Les feuilles patinées par le temps lui conféraient un certain éclat antique qui n'eût pas déplu à un brocanteur.
Voici un autre exemple. Les métaphores et les comparaisons sont très utiles pour donner un aspect donné à quelque chose ! Ici, je vais jouer sur la lumière, le côté étincelant.
Mais dans un autre registre, j'aurais pu dire que ce personnage a des yeux "aussi ternes que des tessons de bouteilles" et des cheveux "rêches comme une poignée de paille" ! Pourtant, c'est toujours le même garçon aux cheveux blonds et aux yeux verts ! Mais les comparaisons changent TOUT. Jouez dessus ! Comparez, trouvez des objets qui se rapportent à ce que vous décrivez !
- Citation :
- Phrase de base : Il avait les yeux verts et les cheveux blonds.
Personnification : La lumière dansait dans ses cheveux blonds. Ses yeux verts souriaient, illuminant son visage.
Métaphore : Ses yeux étaient taillés dans l'émeraude. Un champ de blé doré par le soleil lui tenait lieu de chevelure.
Comparaison : Ses yeux étaient aussi verts que les jeunes pousses d'été, et ses cheveux pareils à un champ de blé doré.
Description plus riche et détaillée : La lumière dansait dans ses cheveux blonds, et faisait scintiller l'émeraude de ses yeux. Son visage semblait empreint d'une réelle douceur, d'une certaine bonhomie apaisante ; mais sa stature agressive surplombait tous les autres passants.
→ ATTENTION ! Regardez la toute dernière phrase. Le visage est "doux" ; la stature est "agressive". Ceci est une autre astuce. Cherchez toujours
des adjectifs qui expriment des sensations, des idées concrètes. Ne dites pas d'un homme qu'il est "grand et large" ; dites qu'il est "imposant" ou "écrasant". Ne dites pas d'un dragon qu'il est petit, avec des pattes courtes et une grosse tête ; dites qu'il est "pataud et court sur pattes", avec une tête "massive".
→ Bon après, pour la forme des descriptions, vous avez deux choix :
décrire le lieu ou la personne en bloc dès le début, ou bien
parsemer les éléments de description au fil de l'action Dans les deux cas, il faut vous mettre dans la peau du personnage, ou, si votre texte ne rend pas compte d'un point de vue particulier, de l'atmosphère du moment.
La
description en bloc est particulièrement appropriée dans
un moment calme, voire d'ennui total du personnage, qui n'est pas pressé par le temps et va donc pouvoir observer de façon détaillée. Dans ce cas-ci, pensez à
la progression logique du regard du narrateur : il va commencer par le bas et remonter vers le haut, ou l'inverse, ou commencer à droite et décrire vers la gauche, ou l'inverse... Imaginez la scène, telle que vous la verriez.
Mais à présent voyons - enfin, essayons de voir - le must du must : les techniques pour parsemer les éléments de
la description au fil de l'action.
Je trouve qu'il est important et plus logique de
décrire les éléments lorsqu'ils sont en contact avec le personnage et avec ses sensations, ou lorsqu'ils ont une incidence minimale sur la scène. Ainsi, un personnage dévalant un escalier - mais qu'est-ce que j'ai avec les escaliers, moi ? - va noter que la rampe est rugueuse parce qu'elle lui accroche les doigts, que le bois est usé parce que ses pieds vont glisser, que les marches sont fendues ou fragiles... Un autre, qui va découvrir une vieille bibliothèque, va commencer par décrire le parquet grinçant lorsqu'il va se déplacer vers les livres, puis l'aspect des étagères qui les supportent - la poussière ou que sais-je -, et enfin, l'aspect détaillé du ou des livres qu'il va feuilleter. Pour un personnage qui sort à l'extérieur, il va tout d'abord décrire le ciel qui attire son regard, le vent qui vient le gifler d'un seul coup, puis le froid qui commence à le gagner ; ce n'est qu'après, peut-être, qu'il va noter la fine couche de neige qui s'enfonce sous ses pieds.
Pour ce qui est des portraits de personnages : ne les décrivez pas forcément de pied en cap tout de suite, gardez-en pour après. Parlez de la couleur de leurs yeux lorsqu'ils les lèvent au ciel, ou lorsqu'ils les plissent sous le soleil ; dites-nous la couleur de leurs cheveux uniquement lorsque le soleil les révèle. Ne nous assommez pas avec la description de leurs vêtements, gardez ça pour le moment où ça deviendra important ! (sinon c'est pa la peine, le lecteur s'en fout, il a pas besoin de ça pour imaginer les personnages

)
Après, concernant
l'utile et l'inutile, tout dépend de quelques critères, et notamment :
*
l'atmosphère : le personnage paniqué en train de gravir les marches deux par deux aura plus tendance à penser à sa peur, à son poursuivant, à ses chances de survie ou aux issues qu'il pourrait trouver en haut de l'escalier, plutôt qu'à décrire les motifs de la rampe, le bois des marches, les toiles d'araignées au plafond. (Enfin, c'est comme ça que je le vois ; si vous parvenez à donner une atmosphère affolée en décrivant de façon détaillée, bah libre à vous et bravo

)
*
les caractéristiques du personnage : On oublie souvent de caractériser les personnages grâce à leur vision des choses. Certains, à l'esprit vif et à l'œil perçant, vont systématiquement observer autour d'eux et décrire très précisément ce qu'ils voient. D'autres vont davantage se focaliser sur l'action, ou sur leurs émotions et leurs pensées, et ne pas voir grand-chose, voire ne rien décrire du tout !
N'hésitez pas à rajouter vos propres astuces si elles diffèrent des miennes !
