Bonjour à tous ! Voici un tuto qui va essayer d’expliquer et de régler les problèmes de la versification française, pour améliorer l’écriture du fameux alexandrin, mais également la construction d’un poème de forme relativement classique.
Le vers classique français est très particulier et très strict. Il se compte en syllabes et non en pieds. Faisons déjà cette distinction que peu de personnes font. Un pied est un groupement de syllabes accentuées d’une manière particulière. C’est très vague comme définition et on va utiliser des exemples. Étant donné qu’on utilise pas les pieds en français, on va s’aider des autres langues, essentiellement anglais, latin, et grec. (l’allemand se sert de pieds, mais je ne parle pas allemand ; l’espagnol ne se sert pas de pieds.)
- Samuel Taylor Coleridge a écrit:
- Read with a | nod of the | head in a | humouring | recita|tivo ;
And, as I | live, you will | see my he|xameters | hopping be|fore you.
Les traits horizontaux marquent la séparation entre les pieds. Ici on retrouve deux types de pieds : le dactyle et le trochée. Un dactyle se compose d’une syllabe longue accentuée (ici en
gras) et de deux brèves non accentuées. Un trochée se compose d’une syllabe longue accentuée et d’une brève non accentuée. Je développe pas la versification de la poésie rythmique (c’est son nom), si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à me demander.
Le vers français se base sur un nombre de syllabe, et on se sert généralement de l’octosyllabe (8 ), du décasyllabe (10) et du dodécasyllabe (12) depuis le XIIe siècle.
a - L’octosyllabe. L’octosyllabe est principalement utilisé dans les premiers romans puis en poésie avant que les poètes ne choisissent l’alexandrin.
L’octosyllabe est un vers court, il n’a donc pas de césure. Il rime. C’est donc un vers très simple d’utilisation et assez peu contraignant.
- Ronsard a écrit:
- Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
b - Le décasyllabe. Un vers plus particulier, plus long, qui apparaît dans les chansons de gestes au XIIIe siècle (cf La Chanson de Roland)
Dans ces chansons de geste, pas de rimes, mais seulement des assonances en fin de vers. Chaque lais d’une dizaine de vers a une assonance commune pour tous les vers
- Chanson de Roland a écrit:
- Cumpainz Rollant,| l’olifan car sunez :
Si l’orrat Carles,| ferat l’ost returner,
Succurrat nos | li reis od tut sun barnet. »
Respont Rollant | : « Ne placet Damnedeu
Que mi parent | pur mei seient blasmet
Ne France dulce | ja cheet en viltet !
Einz i ferrai | de Durendal asez,
Ma bone espee | que ai ceint al costet :
Tut en verrez | le brant ensanglentet.
Felun paien | mar i sunt asemblez :
Jo vos plevis, | tuz sunt a mort livrez.
On reconnaît l’assonance est [è].
On reconnaît également l’existence d’une césure, marquée par la ligne horizontale. Elle ne sépare pas les deux hémistiches de manière égale, mais bien en 4/6 (4 vers, puis 6 vers)
c - L’alexandrin, le “grand vers” Nous y voilà, le vers le plus utilisé dans la prosodie française.
Il a douze syllabes, mais cela ne suffit pas à lui décerner la palme de vers le plus complexe.
Prenons Mgr Baudelaire en exemple, dans “Correspondances”, issu des Fleurs du Mal. :
- Dieu a écrit:
- La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
– Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens
D’abord, la césure et la structure du vers. Vous savez sans doute que dans un alexandrin, la césure partage le vers en deux hémistiches égaux. Autrement dit, elle est en plein milieu du vers. Exemple :
- Bogoss a écrit:
- La Nature est un temple | où de vivants piliers
- Le meilleur poète de tous les temps a écrit:
- Doux comme les hautbois, | verts comme les prairies,
La césure y est absolument claire. De fait, tous les vers se lisent en deux temps, on suspend la voix à la sixième syllabe, et on continue.
- Citation :
- Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
De fait, ici, on pourrait lire les quatre membres à la suite. Mais non :
- Citation :
- Comme l’ambre, le musc (on suspend), le benjoin et l’encens.
Et du coup, transition accentuation.
_Mais… la poésie française n’est pas accentuée ?
_Shhhht, laisse-moi parler. L’alexandrin est le seul vers à avoir une accentuation plus ou moins fixe.
Règle n°1 : 4 accents
Règle n°2 : 2 accents par hémistiches.
Et ensuite on fait comme on veut.
- Citation :
- Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Accentuation régulière : 3-3-3-3
- Citation :
- Comme de longs échos qui de loin se confondent
Accentuation irrégulière et déséquilibrée : 4-2-3-3
- Citation :
- Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Accentuation totalement irrégulière et assez rare : 2-4-1-5
EDIT : je n'ai pas précisé, mais jouez sur la cassure de la régularité pour créer du sens !Et c’est pareil pour TOUS les alexandrins (ouais ouais)
- Du Belley, pris au hasard a écrit:
- Vivons, Gordes, vivons, | vivons, et pour le bruit
Des vieillards ne laissons | à faire bonne chère :
Vivons, puisque la vie | est si courte et si chère,
Et que même les rois | n'en ont que l'usufruit.
Voilà un bon début de maîtrise de ces vers particuliers, n’hésitez pas à commenter, réfuter ou entarter l’auteur de ce tuto pour les grossières erreurs qu’il a commises.