Un cortège de milliers de silhouettes se dirige vers la rivière.
Des femmes et des enfants, venus de la route principale.
Tous semblent obéir à une voix intérieure, à un schéma divin.
Leur pas est assuré, lent,
les bras le long du corps
et leurs yeux sont éteints.
« Pourquoi font-ils ça ?
Il faut les empêcher de se jeter à l’eau ! »
Je ne sais que répondre.
Deux jumelles blondes marchent main dans la main, habillées pour l’école.
Je les reconnais. Je veux leur parler, les raisonner, les toucher mais elles ne me voient pas.
Leurs yeux passent du gris cendré à un kaléidoscope de couleurs, une multitude d’émotions.
« Ils veulent se laver de leurs péchés !
Ils noient leurs souffrances dans la rivière. »
Je ne sais même pas s’ils souffrent.
Les soldats bloquent les abords de la Medlock, dressent des barrières jusqu’à Phillips Park.
Ils tentent vainement de contenir le flot de malheureux, de plus en plus nombreux.
Certains commencent à craquer devant les yeux gris de cendre
remplis de tristesse et de peur
comme un appel à l’aide
dans un destin funeste.
« Pourquoi des femmes et des enfants ?
Les hommes sont-ils exempts de la rédemption ? »
Notre tour viendra.
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Des paroles carrées n'entrent pas dans des oreilles rondes.(Lao-Tseu)