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Ouppo Fou du roi
Messages : 571 Date d'inscription : 04/01/2016
| Sujet: Réécritures Lun 21 Mai 2018 - 1:00 | |
| Salut, j'ai réécris une partie de : "Le Grand Meaulnes" de Alain Fournier. J'ai mis le texte original en spoiler si vous voulez comparer. - Spoiler:
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Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189... Je continue à dire "chez nous", bien que la maison ne nous appartienne plus. Nous avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n'y reviendrons certainement jamais. Nous habitions les bâtiments du Cour Supérieur de Sainte-Agathe. Mon père, que j'appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours supérieur, où l'on préparait le brevet d'instituteur, et le Cours moyen. Ma mère faisait la petite classe. Une longue maison rouge, avec cinq portes vitrées, sous des vignes vierges, à l'extrémité du bourg ; une cour immense avec préaux et buanderie, qui ouvrait en avant sur le village par un grand portail ; sur le côté nord, la route où donnait une petite grille et qui menait vers La Gare, à trois kilomètres ; au sud et par derrière, des champs, des jardins et des prés qui rejoignaient les faubourgs... tel est le plan sommaire de cette demeure où s'écoulèrent les jours les plus tourmentés et les plus chers de ma vie — demeure d'où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos aventures. Le hasard des "changements", une décision d'inspecteur ou de préfet nous avaient conduits là. Vers la fin des vacances, il y a bien longtemps, une voiture de paysan, qui précédait notre ménage, nous avait déposés, ma mère et moi, devant la petite grille rouillée. Des gamins qui volaient des pêches dans le jardin s'étaient enfuis silencieusement par les trous de la haie... Ma mère, que nous appelions Millie, et qui était bien la ménagère la plus méthodique que j'aie jamais connue, était entrée aussitôt dans les pièces remplies de paille poussiéreuse, et tout de suite elle avait constaté avec désespoir, comma à chaque "déplacement", que nos meubles ne tiendraient jamais dans une maison si mal construite... Elle était sortie pour me confier sa détresse. Tout en me parlant, elle avait essuyé doucement avec son mouchoir ma figure d'enfant noircie par le voyage. Puis elle était rentrée faire le compte de toutes les ouvertures qu'il allait falloir condamner pour rendre le logement habitable... Quant à moi, coiffé d'un grand chapeau de paille à rubans, j'étais resté là, sur le gravier de cette cour étrangère, à attendre, à fureter petitement autour du puits et sous le hangar. C'est ainsi, du moins, que j'imagine aujourd'hui notre arrivée. Car aussitôt que je veux retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d'attente dans notre cour de Sainte-Agathe, déjà ce sont d'autres attentes que je me rappelle ; déjà, les deux mains appuyées aux barreaux du portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu'un qui va descendre la grand'rue. Et si j'essaie d'imaginer la première nuit que je dus passer dans ma mansarde, au milieu des greniers du premier étage, déjà ce sont d'autres nuits que je me rappelle ; je ne suis plus seul dans cette chambre ; une grande ombre inquiète et amie passe le long des murs et se promène. Tout ce paysage paisible — l'école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite — est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute notre adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos. Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva. J'avais quinze ans. C'était un froid dimanche de novembre, le premier jour d'automne qui fît songer à l'hiver. Toute la journée, Millie avait attendu une voiture de La Gare qui devait lui apporter un chapeau pour la mauvaise saison. Le matin, elle avait manqué la messe ; et jusqu'au sermon, assis dans le choeur avec les autres enfants, j'avais regardé anxieusement du côté des cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf. Après midi, je dus partir seul à vêpres.
Dimanche de novembre 189... Il arriva chez nous dans notre ancienne maison, un des bâtiments du Cour Supérieur de Sante-Agathe. Mon père était instituteur, ma mère aussi. C'était une maison rouge, enlacée par les vignes et le temps, entourée de jardin et de prés. Nous avions été balloté là par le hasard des mutations, une voiture de paysan nous avaient déposé ma mère et moi, devant la grille roussie par la pluie. Maman, Millie, était entrée aussitôt, m'avait regardé, je l'avait regardé, m'avait regardé, avait regardé la poussière partout, m'avait regardé, avait soupiré. Tout en m'expliquant son désespoir elle lustrait mon visage avec son mouchoir. Fouit fouit fouit Puis elle était rentrée. Je portais un chapeau de paille qui faisait penser à l'été et j'avais attendu. Les nuits se succédèrent et le quotidien s'installa. Je me rappelle des visites dans la jardin, du champ qui dort à côté de l'école avec ses trois noyers et de celui qui bouleversa tout ça, dix ans après notre arrivé, Meaulnes. J'avais quinze ans, l'automne songeait à l'hiver et c'était un dimanche. Millie attendait un chapeau. Elle en avait manqué la messe, moi, assis dans le choeur, je regardais, pour la voir entrer avec son couvre-chef neuf. Elle n'était pas venu. Nos dimanche étaient ainsi, mon père assis sur la brume d'un étang avec une canne à pêche ; ma mère en train d'opérer un tissus dans sa chambre jusqu'à la nuit. Elle était fière et craignait qu'une autre dame aussi fière, mais tout aussi pauvre ne vienne la surprendre, alors elle se cachait. Pendant ce temps, dans le salon, je soufflais du froid et lisant, jusqu'à qu'elle vint me demander comment lui allait son vêtement rabiboché. Ce dimanche donc, un cortège de baptême défila, écrasant la route gelée de leurs semelles sonores, ne laissant plus personne vivant dans le bourg. A mon retour, la grille était ouverte et quelqu'un cherchait à voir à travers les rideaux de la salle à manger. Une femme grise, coiffée de velours noir, au visage maigre | |
| | | Ouppo Fou du roi
Messages : 571 Date d'inscription : 04/01/2016
| Sujet: Re: Réécritures Mar 22 Mai 2018 - 9:02 | |
| Le Chien des Baskervilles de Arthur Conan Doyles. - Spoiler:
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Ce matin-là, M. Sherlock Holmes qui, sauf les cas assez fréquents où il passait les nuits, se levait tard, était assis devant la table de la salle à manger. Je me tenais près de la cheminée, examinant la canne que notre visiteur de la veille avait oubliée. C'était un joli bâton, solide, terminé par une boule - ce qu'on est convenu d'appeler, « une permission de minuit ». Immédiatement au-dessous de la pomme, un cercle d'or, large de deux centimètres, portait l'inscription et la date suivantes : « À M. James Mortimer, ses amis du C.C.H. - 1884. » Cette canne, digne, grave, rassurante, ressemblait à celles dont se servent les médecins « vieux jeu ». « Eh bien, Watson, me dit Holmes, quelles conclusions en tirez-vous ? » Holmes me tournait le dos et rien ne pouvait lui indiquer mon genre d'occupation. « Comment savez-vous ce que je fais ? Je crois vraiment que vous avez des yeux derrière la tête. - Non ; mais j'ai, en face de moi, une cafetière en argent, polie comme un miroir. Allons, Watson, communiquez-moi les réflexions que vous suggère l'examen de cette canne. Nous avons eu la malchance de manquer hier son propriétaire et, puisque nous ignorons le but de sa visite, ce morceau de bois acquiert une certaine importance. - Je pense, répondis-je, suivant de mon mieux la méthode de mon compagnon, que le docteur Mortimer doit être quelque vieux médecin, très occupé et très estimé, puisque ceux qui le connaissent lui ont donné ce témoignage de sympathie. - Bien, approuva Holmes... très bien ! - Je pense également qu'il y a de grandes probabilités pour que le docteur Mortimer soit un médecin de campagne qui visite la plupart du temps ses malades à pied. - Pourquoi ? - Parce que cette canne, fort jolie quand elle était neuve, m'apparaît tellement usée que je ne la vois pas entre les mains d'un médecin de ville. L'usure du bout en fer témoigne de longs services. - Parfaitement exact ! approuva Holmes. - Et puis, il y a encore ces mots : « Ses amis du C.C.H. » Je devine qu'il s'agit d'une société de chasse... Le docteur aura soigné quelques-uns de ses membres qui, en reconnaissance, lui auront offert ce petit cadeau. - En vérité, Watson, vous vous surpassez, fit Holmes, en reculant sa chaise pour allumer une cigarette. Je dois avouer que, dans tous les rapports que vous avez bien voulu rédiger sur mes humbles travaux, vous ne vous êtes pas assez rendu justice. Vous n'êtes peut-être pas lumineux par vous-même ; mais je vous tiens pour un excellent conducteur de lumière. Il existe des gens qui, sans avoir du génie, possèdent le talent de le stimuler chez autrui. Je confesse, mon cher ami, que je suis votre obligé. » Auparavant, Holmes ne m'avait jamais parlé ainsi. Ces paroles me firent le plus grand plaisir, car, jusqu'alors, son indifférence aussi bien pour mon admiration que pour mes efforts tentés en vue de vulgariser ses méthodes, m'avait vexé. De plus, j'étais fier de m'être assimilé son système au point de mériter son approbation quand il m'arrivait de l'appliquer.
Holmes me prit la canne des mains et l'examina à son tour pendant quelques minutes. Puis, soudainement intéressé, il posa sa cigarette, se rapprocha de la fenêtre et la regarda de nouveau avec une loupe. « Intéressant, quoique élémentaire, fit-il, en retournant s'asseoir sur le canapé, dans son coin de prédilection. J'aperçois sur cette canne une ou deux indications qui nous conduisent à des inductions. - Quelque chose m'aurait-il échappé ? dis-je d'un air important. Je ne crois pas avoir négligé de détail essentiel. - Je crains, mon cher Watson, que la plupart de vos conclusions ne soient erronées. Quand je prétendais que vous me stimuliez, cela signifiait qu'en relevant vos erreurs j'étais accidentellement amené à découvrir la vérité... Oh ! dans l'espèce, vous ne vous trompez pas complètement. L'homme est certainement un médecin de campagne... et il marche beaucoup. - J'avais donc raison. - Oui, pour cela. - Mais c'est tout ? - Non, non, mon cher Watson... pas tout - tant s'en faut. J'estime, par exemple, qu'un cadeau fait à un docteur s'explique mieux venant d'un hôpital que d'une société de chasse. Aussi, lorsque les initiales « C.C. » sont placées avant celle désignant cet hôpital, les mots « Charing Cross » s'imposent tout naturellement. - Peut-être. - Des probabilités sont en faveur de mon explication. Et, si nous acceptons cette hypothèse, nous avons une nouvelle base qui nous permet de reconstituer la personnalité de notre visiteur inconnu.
- Alors, en supposant que C.C.H. signifie « Charing Cross Hospital », quelles autres conséquences en déduirons-nous ? - Vous ne les trouvez-pas ?... Vous connaissez ma méthode... Appliquez-la ! - La seule conclusion évidente est que notre homme pratiquait la médecine à la ville avant de l'exercer à la campagne. - Nous devons aller plus loin dans nos suppositions. Suivez cette piste. À quelle occasion est-il le plus probable qu'on ait offert ce cadeau ? Quand les amis du docteur Mortimer se seraient-ils cotisés pour lui donner un souvenir ? Certainement au moment où il quittait l'hôpital pour s'établir... Nous savons qu'il y a eu un cadeau... Nous croyons qu'il y a eu passage d'un service d'hôpital à l'exercice de la médecine dans une commune rurale. Dans ce cas, est-il téméraire d'avancer que ce cadeau a eu lieu à l'occasion de ce changement de situation ? - Cela semble très plausible. - Maintenant vous remarquerez que le docteur Mortimer ne devait pas appartenir au service régulier de l'hôpital. On n'accorde ces emplois qu'aux premiers médecins de Londres - et ceux-là ne vont jamais exercer à la campagne. Qu'était-il alors ? Un médecin auxiliaire... Il est parti, il y a cinq ans... lisez la date sur la canne. Ainsi votre médecin, grave, entre deux âges, s'évanouit en fumée, mon cher Watson, et, à sa place, nous voyons apparaître un garçon de trente ans, aimable, modeste, distrait et possesseur d'un chien que je dépeindrai vaguement plus grand qu'un terrier et plus petit qu'un mastiff. » Je souris d'un air incrédule, tandis que Holmes se renversait sur le canapé, en lançant au plafond quelques bouffées de fumée. « Je ne puis contrôler cette dernière assertion, dis-je ; mais rien n'est plus facile que de nous procurer certains renseignements sur l'âge et les antécédents professionnels de notre inconnu. »
Je pris sur un rayon de la bibliothèque l'annuaire médical et je courus à la lettre M. J'y trouvai plusieurs Mortimer. Un seul pouvait être notre visiteur. Je lus à haute voix : - « Mortimer, James, M.R.C.S. [Member of royal college Surgeons. (Membre du collège royal des chirurgiens.)], 1882 ; Grimpen, Dartmoor, Devon. Interne de 1882 à 1884 à l'hôpital de Charing Cross. Lauréat du prix Jackson pour une étude de pathologie comparée, intitulée : "L'hérédité est-elle une maladie ?" Membre correspondant de la Société pathologique suédoise. Auteur de "Quelques caprices de l'atavisme" (The Lancet, 1882), "Progressons-nous ?" (Journal de Pathologie, 1883). Médecin autorisé pour les paroisses de Grimpen, Thornsley et High Barrow. » - Hé ! Watson, il n'est nullement question de société de chasse, fit Holmes avec un sourire narquois ; mais bien d'un médecin de campagne, ainsi que vous l'aviez finement pronostiqué, d'ailleurs. Mes déductions se confirment. Quant aux qualificatifs dont je me suis servi, j'ai dit, si je me souviens bien : aimable, modeste et distrait. Or, on ne fait de cadeaux qu'aux gens aimables ; un modeste seul abandonne Londres pour se retirer à la campagne et il n'y a qu'un distrait pour laisser sa canne au lieu de sa carte de visite, après une attente d'une heure dans notre salon. - Et le chien ? repris-je. - Le chien porte ordinairement la canne de son maître. Comme elle est lourde, il la tient par le milieu, fortement. Regardez la marque de ses crocs ! Elle vous indiquera que la mâchoire est trop large pour que le chien appartienne à la race des terriers et trop étroite pour qu'on le range dans celle des mastiffs. C'est peut-être... oui, parbleu ! c'est un épagneul ! » Tout en parlant, Holmes s'était levé et arpentait la pièce. Il s'arrêta devant la fenêtre. Sa voix avait un tel accent de conviction que la surprise me fit lever la tête. « Comment, mon cher ami, dis-je, pouvez-vous affirmer cela ? - Pour la raison bien simple que j'aperçois le chien à notre porte et que voilà le coup de sonnette de son maître... Restez, Watson ; le docteur Mortimer est un de vos confrères, votre présence me sera peut-être utile... Que vient demander le docteur Mortimer, homme de science, à Sherlock Holmes, le spécialiste en matière criminelle ?... Entrez ! » M'attendant à voir le type du médecin de campagne que j'avais dépeint, l'apparition de notre visiteur me causa une vive surprise. Le docteur Mortimer était grand, mince, avec un long nez crochu qui débordait entre deux yeux gris, perçants, rapprochés l'un de l'autre et étincelants derrière des lunettes d'or. Il portait le costume traditionnel - mais quelque peu négligé - adopté par ceux de sa profession ; sa redingote était de couleur sombre et son pantalon frangé. Quoique jeune, son dos se voûtait déjà : il marchait la tête penchée en avant et son visage respirait un air de grande bonhomie. En entrant, il aperçut sa canne dans les mains de Holmes et il se précipita avec une expression joyeuse : « Quel bonheur ! fit-il. Je ne me souvenais plus où je l'avais laissée... Je ne voudrais pas perdre cette canne pour tout l'or du monde. - Un cadeau, n'est-ce pas ? interrogea Holmes. - Oui monsieur. - De l'hôpital de Charing Cross ? - De quelques amis que j'y comptais... à l'occasion de mon mariage. - Ah ! fichtre ! c'est ennuyeux », répliqua Holmes, en secouant la tête. Le docteur Mortimer, légèrement étonné, cligna les yeux. « Qu'y a-t-il d'ennuyeux ? - Vous avez dérangé nos petites déductions... Vous dites : votre mariage ? - Oui. Pour me marier, j'ai quitté l'hôpital... Je désirais me créer un intérieur. - Allons, fit Holmes, après tout, nous ne nous sommes pas trompés de beaucoup... Et maintenant, docteur Mortimer... - Non, monsieur ! M. Mortimer, tout bonnement !... Un humble M.R.C.S. - Et, évidemment, un homme d'un esprit pratique. - Oh ! un simple minus habens, un ramasseur de coquilles sur le rivage du grand océan inconnu de la science. C'est à M. Sherlock Holmes que je parle ?... - Oui ; et voici mon ami, le docteur Watson. - Très heureux de faire votre connaissance, monsieur. J'ai souvent entendu prononcer votre nom avec celui de votre ami. Vous m'intéressez vivement, monsieur Holmes. J'ai rarement vu un crâne aussi dolichocéphalique que le vôtre, ni des bosses supra-orbitales aussi développées. Voulez-vous me permettre de promener mon doigt sur votre suture pariétale ? Un moulage de votre crâne, monsieur, en attendant la pièce originale, ferait l'ornement d'un musée d'anthropologie. Loin de moi toute pensée macabre ! Mais je convoite votre crâne. » Holmes montra une chaise à cet étrange visiteur. « Vous êtes un enthousiaste de votre profession, comme je le suis de la mienne, dit-il. Je devine à votre index que vous fumez la cigarette... ne vous gênez pas pour en allumer une. » Notre homme sortit de sa poche du papier et du tabac, et roula une cigarette avec une surprenante dextérité. Il avait de longs doigts, aussi agiles et aussi mobiles que les antennes d'un insecte. Holmes demeurait silencieux ; mais ses regards, obstinément fixés sur notre singulier compagnon, me prouvaient à quel point celui-ci l'intéressait. Enfin Holmes parla. « Je présume, monsieur, dit-il, que ce n'est pas seulement pour examiner mon crâne que vous m'avez fait l'honneur de venir me voir hier et de revenir aujourd'hui ? - Non, monsieur, non... bien que je me réjouisse de cet examen.
Holmes s'était levé tard parce que c'est ce qu'il faisait quand il ne passait pas une nuit blanche. J'était assis à la table du salon et je regardais la canne oubliée par notre visiteur de la veille. C'était un solide bâton, aux belles nervures brillantes, terminé par une boule de taille agréable à prendre en main, en dessous une bague lisait "A M. James Mortimer, ses amis du C. C. H. -1884". Cette canne pleine de force, digne, rassurante, vigoureuse, me semblait appartenir à un médecin "vieux jeu". "Eh bien, Watson, mon cher Watson, souriait Holmes, que pouvez-vous me dire après examen approfondi de... la chose. "Est-ce que vous avez des yeux derrière la tête ? -Non ; mais j'ai une cafetière ! -Une cafetière ? -Une cafetière ! -Une -Cafetière ! -Et ? -Elle brille et je peux vous voir dedans, Watson. -Je pense, répondis-je, suivant la méthode de mon compagnon, que le docteur Mortimer est un médecin estimé pour recevoir un tel cadeau. -Bien... très bien. -Je pense également qu'il pratique à la campagne et rend visite à pied. -Pourquoi ? -Parce que cette canne est tellement usée que je ne la vois pas entre les mains d'un jeune médecin de ville. -Parfaitement exact ! approuva Holmes. -Et puis "Ses amis du C.C.H " je pense qu'il a dû soigné un chasseur de cette association et qu'on lui a offert ce... petit cadeau. -Vous vous surpassez, Watson, vraiment, fit Holmes, tout en s'allumant une blonde. Vous êtes modeste dans vos livres, vous ne vous rendez pas assez grâce.Vous n'êtes peut-être pas lumineux par vous-même, mais vous êtes un excellent trou pour la canaliser. Il existe des gens qui, sens avoir du génie, possèdent le talent pour le stimuler de la plus agréable manière." Auparavant, Holmes ne m'avait jamais parlé ainsi. Ces paroles me firent le plus grand plaisir, car, jusqu'alors, son indifférence aussi bien pour mon admiration que pour mes efforts pour vulgariser sa science m'avait vexé. J'étais fier de me rapprocher de sa méthode au point de pouvoir mériter un de ses sourires approbateurs. Holmes m’ôta la canne des mains et la palpa à son tour. Soudainement, il posa sa cigarette et se rapprocha de la fenêtre, loupe à la main. "Intéressant, quoique élémentaire, fit-il, en retournant s'asseoir. -Quoi ? Je ne crois pas avoir négligé de détails. -Je crains mon cher Watson, que vous ne soyez une cafetière. -Une cafetière ? -Une cafetière. -Une -Cafetière. -Cafetière ? -Cafetière. -Cafetière ! -Cafetière. -Cafetière ! Cafetière ! -En effet, tout comme cette cafetière subtilement astiquée, vous me renvoyez une réalité déformée qui me permet de mieux décerner la vérité. Mais vous avez raison sur plusieurs points, c'est un médecin de campagne... et il marche... beaucoup... -Je ne m'étais pas trompé ! -Oui, pour cela. -Mais c'est tout ? -Non, mais je pense que ce cadeau de bois dur viens plutôt d'un hôpital et que les initiales désigneraient donc, "Charing Cross Hospital". -My gosh ! Ce que signifie... en anglais, la Croix... qui Charing... du Charing... de Charing... quelque chose d'un hôpital. -Des probabilités sont en faveur de mon explication, Watson. -Donc... il exerçait en ville avant d'aller se ressourcer au calme bucolique de la campagne printanière ? -Il devait s'agir d'un médecin auxiliaire parti il y a cinq ans, ainsi nous voyons apparaître un garçon de trente ans, modeste, distrait, gentil et possesseur d'un chien. Je souris, incrédule, tout en regardant Holmes se renverser sur la canapé et tenter de souffler quelques ronds de fumée qui lui retombait sur le visage et caressaient longuement tout son épiderme jusqu'à la courbure de ses oreilles. Je tendit une main vers la bibliothèque pour y trouver l'annuaire médical... plusieurs Mortimer... mais un seul correspondait. "-Mortimer, James, M.R.C.S. [Member of royal college Surgeons. (Membre du collège royal des chirurgiens.)], 1882 ; Grimpen, Dartmoor, Devon. Interne de 1882 à 1884 à l'hôpital de Charing Cross. Lauréat du prix Jackson pour une étude de pathologie comparée, intitulée : "L'hérédité est-elle une maladie ?" Membre correspondant de la Société pathologique suédoise. Auteur de "Quelques caprices de l'atavisme" (The Lancet, 1882), "Les dragons le fléau du XIXè", "La pornographie infantile et la contre-culture" "Progressons-nous ?" (Journal de Pathologie, 1883). "Médecin autorisé pour les paroisses de Grimpen, Thornsley et High Barrow." -Hé ! Watson, pas de société de chasse on dirait, fit Holmes avec un sourire narquois ; mes déductions se confirment. J'ai dit aimable et on ne fait de cadeaux qu'aux gens... aimable. Modeste, il se retire en campagne et distrait parce qu'il nous laisse sa canne au lieu de sa carte. -Dans ce cas, repris-je. expliquez-moi pourquoi je vous offre des cadeaux ? -Taisez-vous, Watson. -Et le chien ? -Le chien porte la canne, vous voyez là ce sont des marques de crocs d'épagneul ! -Vous avez fumé, Holmes. -Taisez-vous, Watson. Holmes s'était levé et marchait partout. "Mais comment pouvez-vous affirmer une telle chose ? -Parce qu'il sonne à la porte, Watson ! -Le chien ? -Mais... mais oui, mais bien sûr, et il porte une cravate ! -Et un béret ? renchérir-je. -Et un manteau de fourrure ! -Et il fume ! -Oh, ça oui ! Qu'est-ce qu'il fume ! -Je vais ouvrir la porte. -Faites ça. Le docteur Mortimer était grand, mince, avec un long nez qui débordait de ses deux yeux de nuage étincelants derrière le métal d'or de ses lunettes. Il portait une redingote sombre et un pantalon frangé. Quoique jeune, son dos se voûtait, il marchait penché et son visage semblait triste et jovial. Il se précipita vers Holmes avec joie : "Mon précieux ! fit-il. Vous me l'avez retrouvé, oui ! Je pensais qu'il était perdu, oui ! Perdu pour toujours ! -Un cadeau ? interrogea Holmes. -Oui, oui. -De la part de l'hôpital de Charing Cross. -D'un ami... il me l'a offert... à l'occasion d'un mariage, c'est mon cadeau de mariage... oui... -Ah ! fit Holmes en secouant la tête. -Quoi ? Qu'il y a-il ? Y a-il un problème ? -Non, pas du tout. Un mariage donc ? -Oui. Pour me marier j'ai quitté l'hôpital qui désirait me prendre en interne. -Ah, j'était pas loin. Hein, Watson, vous avez faillit me devoir cinquante balles, hein... ne me regardez pas comme ça, Watson. -Je vois, mais vous êtes bien Mr. Holmes, oui ? -En effet et voici John Watson, docteur en cafetière de son état, diplômé de... arrêtez de me regardez, Watson, je vous dit. -Oh, je suis content, oui. Je suis tellement heureux ! J'ai souvent entendu parler de vous. Vous m'intéressez vivement; monsieur Holmes, fit Mortiment en se rapprochant. J'ai rarement vu des bosses supra-orbitales comme les vôtres. Vous feriez une très belle pièce anthropologique. Je ne veux pas être cavalier mais votre crâne, je le veux." Holmes montra une chaise à cet étrange visiteur. "Vous êtes un enthousiaste, comme je sais l'être, dit-il. Je devine que vous fumez, allez-y." L'homme sortit de sa poche du papier et du tabac, et roula entre ses doigts avec une dextérité qui laissait songeur. Ses doigts aussi agiles que longs étaient hypnotisant. Holmes demeurait silencieux, mais ses regards, obstinément fixés sur notre singulier compagnon, me prouvaient à quel point celui-ci l'intéressait. "Je suppose que vous n'êtes pas venus que pour toucher mon... crâne... -Non... bien que je me réjouisse de cet... examen... oh oui... | |
| | | Silenuse
Messages : 2240 Date d'inscription : 03/06/2015 Localisation : Derrière un pouet Humeur : pouet
| Sujet: Re: Réécritures Mer 23 Mai 2018 - 22:19 | |
| J'ai lu ta réécriture du passage du Grand Meaulnes... Eh ben c'est assez cool. Je trouve que ça change par rapport à ce que tu écris d'habitude, on est ici plus en profondeur dans les sentiments, dans l'idée d'une certaine mélancolie. Evidemment, c'est trop court ; évidemment, t'as encore mis des onomatopées qui servent à rien ( ), mais l'ensemble, l'atmosphère et les sentiments évoqués fonctionnent et j'ai eu du plaisir à te lire. Donc je trouve que c'est une réussite. Bravo. ------------------------------------------------------------------------------------------------ "Chanter des chansons chez patrick Sébastien , enfin j'avais trouve mon identité je croyais que j'étais spiderman mais en vrai j'étais un agneau qui nage, j'avais plus peur des loup et de la mort car je savais qu'au bout du compte on finirai tous chez patrick Sébastien" Pierre, 21/04/2018 Ah oui, j'écris des trucs aussi Tutos : Versification & Rythme | |
| | | Ragne
Messages : 666 Date d'inscription : 02/04/2017
| Sujet: Re: Réécritures Sam 26 Mai 2018 - 12:33 | |
| J'ai lu le premier texte. C'est un exercice assez compliqué de réécrire un texte, il faut saisir son esprit avant de le décortiquer pour se l'approprier. Et je crois que tu as plutôt bien réussi. Si je préfère encore la version original, mais, il y a un autre esprit dans ta narration, plus épuré, moins chagrine peut être. Tu prends le temps de te poser. Et je crois que c'est quelque chose que je n'avais jamais vu chez toi, alors que c'est vraiment un truc pour lequel ta plus est faite tant ton style est aérien. Alors que dire. Je cros que j'ai aimé Continue | |
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| Sujet: Re: Réécritures | |
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